mardi 8 mai 2007

La fontaine de Barenton



"C'est une source dont l'eau bout bien qu'elle soit froide. Si on y plonge la tête d'un homme devenu fou, il y retrouve le bon sens, à condition qu'il l'ait eu auparavant.
Près de la fontaine était couchée une lourde pierre rectangulaire qui aurait pu lui servir de couvercle, et qui l'était peut-être, et à côté de la pierre se dressait un pin parasol au tronc rose dont les branches, très hautes, s'étendaient à l'horizontale sur toute la clairière. L'arbre était aussi vieux que la source, une chaîne d'or ceinturait son tronc puissant et se prolongeait jusqu'à la dalle de pierre. A son extrémité était fixé un gobelet d'or marqué de signes et de lettres que même les moines savants ne savaient pas lire.
Quiconque plonge le gobelet dans la source, répand l'eau sur la dalle et prononce les mots inscrits dans l'épaisseur d'or sera délié de tous les charmes qui l'emprisonnent."

Mais il faut, pendant que dix mille éclairs éclatent à la fois, formant un dôme de feu sur la forêt, étendre son corps nu sur le sol, entre l'eau, la pierre et l'arbre, fermer les yeux et enfonçer dans l'herbe les mains aux doigts écartés.

"Alors la pluie se met à tomber, verticale, drue, claire, lourde, épaisse comme un bloc. Les éclairs s'arrêtent, il y a dans l'air un sourd grondement qui peu à peu se tait, laissant place au seul, immense bruit de la pluie. Elle tombe pendant des heures, peut-être des jours."

l'Enchanteur, René Barjavel

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